L'homme qui était conscience pure
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Mon oncle Roger, au coeur grand comme la vie, et au sourire joyeux comme l'enfance (Source: photo de ce serein autel prise par ma mère, Rita, une des soeurs de Roger) |
Si nous pouvions créer un nouveau prix, le Prix Nobel de la Joie, je le décernerais à mon oncle Roger. Grand frère, cousin, neveu, oncle et grand-oncle, il a été une stabilité incomparable dans le paysage affectif de nos vies. Alors que nous grandissions, apprenions à marcher, parler, compter, écrire, tomber amoureux, se faire briser le coeur, travailler, raconter notre journée, payer des comptes et nos impôts, commisérer sur l'absurdité de la vie, se marier, avoir des enfants, et donc faire fi de l'absurdité de vie alors que nous découvrions un sens plus grand que nous (l'Amour), il était là, le même, toujours prêt à nous serrer dans ses bras, à nous prendre tels que nous étions, peu importe notre état d'âme. Son parcours ne fut pas ce que tout couple de parents espèrent à prime abord lorsqu'ils accueillent au monde un bébé. Ses capacités ne se mesurent pas par des tests standardisés. En fait, tous ces tests, il les dépasse. Car aucun questionnaire ne peut contenir la conscience pure, ou présence totale, de cet homme. Non-encombré des torturants discours internes de l'ego ni ses débats qui divisent, il a été pour moi l'acceptation incarnée. Qui que tu sois, quoi que tu vives ou penses, cela n'avait aucune importance. Il accueillait toute personne venant vers lui à bras ouverts, littéralement. En nous gratifiant de son rire vibrant, son large sourire un peu timide, ses applaudissements. Sa joie de vivre était palpable et contagieuse. Elle se passait du langage parlé, le transcendait même. Et mon doux qu'il était doué pour son accès au bonheur dans la simplicité comme dans l'élégance: feuilleter des catalogues Sears pendant des heures tout en exhibant lui-même avec fierté ces beaux atours qu'il aimait tant découvrir dans les pages glacées. Il était l'illustration idéale de l'expérience du moment présent. Enfant de la Génération X, je n'ai pas mis longtemps à saisir qu'il était un humain exceptionnel, pas du tout comme la plupart des adultes de l'époque qui généralement se disaient trop ''occupés'' pour jouer avec moi. Mais toi, Roger, je me souviens que tu t'asseoyais avec moi pour jouer à l'heure du thé quand nous vous visitions, toi, papi et mamie ! C'est le genre d'expériences qui sont inestimables dans la vie d'un enfant, car par ta présence même, à cet enfant, tu viens de dire, encore plus fort qu'avec des mots, qu'il ou elle vaut la peine que tu t'arrêtes, que tu te consacres à lui ou elle. D'aussi loin que je me souvienne, par ton enthousiasme de me voir, tu me communiquais que j'avais ma place. Que j'avais une valeur inhérente comme personne. Et je pense que je tombe pas mal pile si je dis que ce fut l'expérience de tant d'autres qui ont eu l'honneur de te connaître.
Cher Roger, nous avons eu peu de temps pour se faire à l'idée d'une vie sans toi. En fait, dans mon cas, il s'est agi d'une mort avec seulement 48 h d'avis, entre l'appel de ma soeur m'informant de ton diagnostic récent suivi d'une détérioration rapide et puis la confirmation que tu étais parti en douceur, bercé d'amour comme tu le méritais. Pour toi, ce matin-là, j'ai fait un feu, dont tu aurais tant aimé la vigueur, la chaleur et les murmures que tu en aurais applaudi.
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Le 23 mars au matin, quelques heures après le départ de Roger pour une autre dimension. |
Dans la continuité d'une attention totale que tu abritas pendant tes 79 ans d'existence dans cette dimension tangible, au-delà de tous ce que les médecins de l'époque avaient pu prédire, je me trouvais moi-même en plein moment présent de mon deuil de toi, de mon chagrin de savoir que tu ne seras plus là pour me rappeler si mignonnement ce surnom issu de ton mime de mes ''Grosses Joues'' pour me désigner, depuis toute petite. Je fis ce feu, symbole de la force de ton amour et de ta chaleur, avec plein de branches trouvées dans ma cour. Amasser ces trouvailles issues des tempêtes de l'hiver était la seule activité qui me ramenait sur terre et me permettait de rester un tant soit peu composée la veille, ne sachant plus quoi faire de moi, si loin de ton sommeil dont tu ne te réveilleras plus, pendant que plein de personnes que tu as touchées de ton coeur étaient éplorées dans ce même hôpital qui m'a vue naître.
En voyant tous ces beaux et touchants témoignages de ta fratrie, mes cousin(e)s et tous tes proches défiler, une grosse partie de mon enfance, de ma vie, meurt aussi. Mais tu me forces en même temps à renaître à moi-même. Pour ce beau cadeau que tu as été pour tous ceux qui ont eu le privilège de te rencontrer, en mon nom et en celui de mes trois fils, eux aussi grands fans de toi depuis qu'ils t'ont connu, je te remercie. Et je te décerne, en plus du Prix Nobel de la Joie et du Prix Nobel de l'Acceptation (la forme la plus élevée d'amour), celui de l'Esprit qui est Toujours Prêt pour l'Enchantement.
Avec gratitude et affection,
Car💗line ''Grosses Joues''
La dernière fois que je vis mon oncle, en juillet 2024.
Sounds like a wonderful person
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