La Maison des Enchantements

Un coup d'âme. Ce fut vraiment un coup d'âme. La vie a vraiment le don de nous réserver tout un effet domino d'étonnements... Depuis ma tendre enfance que je conçois, imagine, dessine et meuble ma maison de rêve dans ma tête. Eh bien, la voilà. Je ne l'espérais même plus, en transit dans mon existence depuis plus de deux ans, ayant survécu trois déménagements en deux ans, après que 15 ans de mariage eussent pris fin avec éclaboussures. Il y a deux mois, me sentant toujours dans une certaine dérive de l'inconnu alors que j'espérais prolonger mon bail, le temps que mon divorce se finalise, je reçois un avis de non-renouvellement dans une enveloppe fichée dans la fente de la porte d'entrée, lourdeur et angoisse d'incertitude scellées comme si on me servait à nouveau des papiers de divorce. Les propriétaires désiraient mettre la demeure en vente. Ils avaient pris cette décision avant, espérant que la compagnie de gestion me donne un avis raisonnable... mais non. La compagnie ne dérogea pas aux 60 jours de rigueur ici en Californie (et dans mon Québec natal, semble-t-il que c'est 6 mois !).

Après une incrédulité transitoire, je me mis en mode action. J'oscillai entre me chercher une maison à louer (ç'aurait été la troisième depuis 2021) et une à acheter (les frais d'avocat exponentiels dans un processus de divorce atroce et interminable m'avaient laissée dans une posture financière non enviable). Quelques jours plus tard, de façon inattendue, j'obtins le chèque de ma moitié de la maison familiale, celle que je m'étais résignée à quitter non sans un amalgame d'émotions difficiles, cette maison qui abrite les souvenirs d'enfance de mes fils, et que j'avais emménagée enceinte de mon troisième garçon. Assoiffée de liberté, comme je n'avais plus envie d'être locataire ni d'avoir à me redéménager douze mois plus tard, je décidai de partir à la quête de mon chez-moi. Entre mon implication de maman et mes heures de travail à temps plein comme psychiatre et éducatrice, j'avais parfois un itinéraire de 6 maisons par jour. 

Après un peu plus de deux semaines, je fis le constat désolant que chaque maison explorée était ou bien trop, ou bien pas assez: trop beige, pas assez lumineuse, trop pareille aux autres, empestant trop le tabac, pas assez grande, trop négligée... Je prenais mes marches dans différents quartiers et aux aguets de messages que seuls les passionnés de maison recherchent et peuvent détecter, je portais attention à chaque maison, à vendre ou pas, me demandant s'il y en avait une quelque part qui existait et qui allait bien vouloir m'aimer, comme moi j'allais l'aimer...

Un vendredi soir, pour conclure ma semaine, je dis à mes agents d'en ajouter une, même si elle était au-delà du prix que je m'étais fixé. Si ce n'est que pour me confirmer ce que je recherche ou bien ce que je n'aime pas... L'expérience avait été somme toute illuminatrice en me permettant de mieux définir et mettre en mots ce que je voulais. Et d'après ce que j'avais vu des photos, cette maison me paraissait splendide et impeccable. L'architecture était différente de ma représentation ou conceptualisation typique d'une maison par contre. Depuis toute petite, pour moi, une maison digne de ce nom devait évoquer un visage: la porte pour le nez, avec fenêtres de chaque côté pour le regard en quête de lumière. Et une toiture solide pour la chevelure.

Je n'ai pas eu trop de difficultés à m'élargir l'esprit devant l'aspect trigonométrique plus que qu'antropomorphe de sa façade... Je suis tombée sous le charme des ses fenêtres en triangle, en rapporteur d'angles... Et que dire de sa banquette près de la fenêtre, avec coussins pour s'affaler et lire. Un rêve d'enfance. Et une piscine, un autre rêve d'enfance !

Cette visite fut un pèlerinage d'enchantements... Je me revois encore, dans le coin de la cuisine ou' se trouve le foyer ouest. Je me ressens encore, émue, dans toute mon exaltation silencieuse alors que je me dis: "Cette maison m'a choisie... autant que je la choisis !"

Le lendemain, je fis une offre. J'étais convaincue qu'il s'agirait d'une course, que tant d'autres se jetteraient dessus... Mon offre fut acceptée le surlendemain. Dès ce moment, j'ai recommencé à croire en mes rêves.

Et un peu avant ma séparation, j'avais voulu démarrer mon blog. Chaque année, je renouais avec l'idée, mais ne m'aventurant pas au-delà d'un journal de maison (La Maison Jaune fut ma première location, ensuite il y eut La Maison Verte, mais je ne pris pas le temps de lui dédier un journal). Alors que je travaille sur d'autres projets, l'idée d'un blog se reconsolida. J'ai voulu l'appeler La Maison Enchanteresse car mes réflexions se déploieront dans une demeure plus qu'enchantée elle-même: elle enchante. Mais je découvris sur internet qu'un roman porte ce titre, aussi j'ai concoté "Âme Sweet Âme" comme nom de blog, pour faire référence à mon "home". Et ce "home-âme" regorge de poésie déjà, que ce soit par ses pointillés argentés tournant sur eux-mêmes signalant l'ambivalence d'une limace ou le mini-pont allant vers la piscine et surmontant une "rivière de pierres précieuses" (qui inspira d'ailleurs une amie à faire une "cérémonie de la pierre" durant le solstice d'été, la veille du départ de ma mère qui était venue me donner un sérieux renfort), ou encore sa fenêtre ronde donnant sur une chambre que je décidai d'appeler "Pleine Lune". Sur les médias sociaux, il y a deux semaines, je présentai ma maison ainsi:

La Maison Enchanteresse
Me voilà enfin dans ma chaumière de rêve. Cette maison aux fenêtres en rapporteur d’angles a une géométrie sacrée qui me plonge dans l’émerveillement. Alors que je me démenais pour trouver un nouveau toit (le 3e, en deux ans) car je reçus un avis de 60 j de non-renouvellement de bail en avril (les proprios voulaient vendre), celle-ci, accueillante, aimée et exquise m’a choisie autant que je l’ai choisie. Ce fut un « coup d’âme ».
C’est avec une profonde gratitude que j’ai pu insérer la clef dans la serrure pour découvrir un état impeccable hier (les propriétaires ont laissé du bois pour les deux foyers, des coussins pour une banquette près d’une fenêtre et dont j’ai toujours rêvé, de beaux lustres, une horloge extérieure, des plantes, un rideau de perles-billes-coquillages adorable, un carillon et les électroménagers de la cuisine).
Et ce matin j’ai cueilli mon premier citron de la piscine !
Merci à ma mère Rita venue du Québec pour m’aider à déménager. Et merci à toute mon équipe dont mes proches, mes amis (dont l'infatigable et vaillante Julie !), ma famille, Bill pour l'hypothèque, et mes agents, Katie et Joseph, qui m'ont formidablement accompagnée durant ce processus (un tour de force... en 19 jours, tout était approuvé, réglé et signé !)
Dans la Maison Enchanteresse et trigonométrique sont bienvenus tous ceux qui ne cherchent pas à accomplir quoi que ce soit, ni à être qui que ce soit mais qui désirent se découvrir dans une ambiance qui invite au âme à âme entre des humains se connectant grâce à des valeurs divines comme la compassion, l’entraide, l’humour, la créativité et la gratitude.



Aujourd'hui exactement, je me trouve à mi-chemin vers un anniversaire charnière... Cette année, je me suis donc fait ce cadeau mémorable, et par le fait même à mes trois fils adorés pour qui je prépare cette chaumière avec autant de passion et de dévotion que je le ferais pour honorer des déités. Et mon deuxième prénom, que je n'ai jamais eu au-delà du traditionnel prénom Marie pour toute fille de ma génération, née catholique au Québec, et de descendance trop ancienne pour oser confronter la binarité (les gars avaient leur "Joseph" sur leur baptistiare), après avoir renoué avec cet "anagramme d'aimer" (merci Antoine, cher mentor et père spirituel, pour m'avoir ainsi ouvert les yeux sur ce nom plein de ma plus profonde vérité), je l'ai inclus en middle name et en l'adaptant de sorte qu'il contienne la première initiale de chacun de mes fils. Ce blog est l'extension poétique, et la représentation littéraire de ma maison en quelque sorte, et je veux qu'ils se sentent chez eux autant dans mes mots que dans la piscine ou sur la banquette à se prélasser dans ce havre, notre "âme à âme". Âme Sweet Âme.

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