Perspective


 

L'émerveillement arrive parfois sans s'annoncer et cela goûte franchement bon. Il suffit de savoir s'arrêter pour réaliser que la vie ne connaît pas de limites dans toutes ses façons de se refléter en elle-même, avec tant d'éléments en apparence opposée qui sont en fait l'image-miroir l'un de l'autre, comme la silhoutte d'une forêt et son ciel qui apparaissent sur un lac immobile.

Plus tôt dans la semaine, j'aperçus une tache du coin de l'oeil. Une coloration qui semblait noire venait troubler la quiétude de mon moment. Ma première explication fut qu'il s'agissait d'un insecte mort. Encore remuée par la fin tragique des trois oisillons, je tentai d'éviter de regarder dans cette direction. Je me dis que l'espèce de créature abyssale géante blanche et bleue allait s'occuper de l'engloutir, comme un macrophage électrique.

Vendredi matin, huit heures exactement. Je m'adonnais à l'opération sisyphienne de ramassage de feuilles tombées. J'interrompis ma tâche, comme si je me trouvais dans un avion et que je faisais la fabuleuse découverte d'une île insolite, magique dans un océan inconnu. Oui bien un ancre rassurant à la chaîne invisible. Maintenant je voyais qu'il ne s'agissait pas de noir mais bien de rouge, pas de mort mais bien d'amour. Un coeur. Probablement un pétale de rose ou une feuille séchée avait abouti au fond de ma piscine.

Après la maison, la boîte aux lettres et l'horloge, me voilà avec une piscine enchantée. Et la source d'inspiration pour mon blog de cette semaine. Une telle photo devrait se passer de mots. Pour tout dire, ils ont mis un peu plus de temps à venir, les mots. Qu'est-ce qu'on met dans un 13 août ? Aujourd'hui est une journée difficile. Je vous laisse deviner pourquoi. Autrefois célébrée, je dois désormais apprendre à la remplir autrement.

Qu'ai-je mis dans cette journée, donc ? Un déjeuner dehors en bonne compagnie, celle de Ken: baguettes minuscules, fromage gruyère, fruits et poudre de café dissoute dans du lait d'amandes. L'intention d'écrire dans mon carnet de rêves celui de la veille: mon plus jeune qui avait un piercing au nez, ce qui généra un intérêt (il n'a encore que 11 ans, quand même) et une belle complicité. Une sauce à pâtes: mini poivrons coupés et frits dans l'huile d'olive, ensuite épinards, un pot de sauce tomates, une tomate du jardin de Pauline et Jerry, des olives kalamata, deux carottes coupées en rondelles, de l'ail émincé, du poivre, du romarin frais de chez moi, un peu de ketchup organique. Je me suis fait le cadeau de cette recette que je fais par coeur (avec variantes mineures basées sur la disponibilité du moment des aliments), pour que cela sente bon dans ma cuisine, ce que je ne me souvenais même pas avoir fait à la maison verte. J'ai arrosé le parterre avant (beaucoup trop longtemps, car j'avais oublié de fermer le robinet après 5 minutes, ce qui me causa un désarroi d'ordre écologique). J'ai fait un brassant de foncé que j'ai étendu au séchoir dehors car il faisait plus de 30 degrés Celsius (je n'ai pas besoin de sécheuse et je n'en ai donc pas fait l'achat). J'ai mangé de ma sauce sur mes pâtes après qu'elle eût mijoté pour près d'une heure. J'ai fait vingt longueurs dans la piscine et repensé au coeur. J'ai aussi repensé à ma prestation lamentable au karaoké la veille. Je voulais donc que ma passion passe par le refrain. "Ain't No Mountain High Enough" allait trop vite, en plus je pense que c'était pas dans mon registre, je déconseille cette sélection pour un karaoké. Mais entêtée comme je suis, je tins à essayer, je voulais que ma voix parte du coeur... je pensais que l'enchantement me suivrait jusque dans la chanson. Hélas, non. Heureseusement, j'ai ensuite constaté que l'embarras ne m'avait pas tuée. J'ai empilé sur ma table extérieure de ces catalogues arrivés dans la boîte aux lettres enchantée car même s'ils contiennent des trucs à prix exorbitants, ils regorgent de bonnes idées déco. En faisant cela, j'ai fait tomber une tasse miniature (comme pour une poupée) et décorative et elle s'est fracassée en 5-6 morceaux.  Me sont alors revenues en mémoire les paroles d'un sage bouddhiste qui avait un jour pris sa tasse favorite et avait dit qu'elle était déjà brisée afin d'illustrer le concept d'impermanence. J'ai ramassé les morceaux avec l'intention de reconstituer la tasse et j'ai décidé d'en faire un genre de projet "kintsugi" (mais sans l'or), question de me pratiquer pour m'asseoir en présence des morceaux avant de les recoller, comme un entraînement pour toutes ces fois à venir ou' les souffrances de la vie nous brisent en mille miettes. J'ai ensuite accroché une composition de tableaux dans ma salle à dîner. Je me suis piquée plusieurs fois à essayer d'enlever les feuilles mortes de mes rosiers, même si j'avais mis mes gants (et je les portais avec une fierté un peu enfantine, j'avoue). Si l'embarras de la veille ne m'avait pas tuée, une micro-goutte de salive perdue dans ma trachée, elle, a bien failli le faire en causant un bronchospasme qui me plonge chaque fois dans un effroi morbide. Après une éternité, je me remis dans le cours de cette journée en me râclant la gorge avec excès (à déconseiller en général).  J'ai pris l'apéro via FaceTime avec mon amie Julie et j'ai aimé son beau visage de déesse, comme d'habitude. J'ai tout oublié de ma frousse de mort pour cause de salive. J'ai fait des courses, entre autres pour remplacer une ampoule qui a grillé hier soir, celle de la lampe Tiffany venant de mon chum, et pour acheter un cadeau pour son fils car c'est sa fête dans deux jours. À plusieurs reprises, et par bouffées de tristesse, j'ai pensé à ceux que j'aime et que je ne vois plus. J'ai préparé ma tisane et je l'ai déjà terminée, avant de finir de me vider la tête de mes pensées. Mes yeux chauffent, je n'en reviens pas d'avoir survécu cette journée. Il me faut sans doute remercier le coeur qui m'est apparu en rappel de mon symbole préféré. Je dois aussi remercier mes parents Martial et Rita pour m'avoir donné un prénom avec un O dedans, car depuis que j'ai eu cette vision en rêve il y a plusieurs mois, je peux le pétrir pour lui donner les deux bosses et la pointe nécessaires afin que l'enchantement et la magie se logent jusque dans ma signature. 

Bonne nuit, et beaux rêves pleins de portes s'ouvrant sur les enchantements de votre âme.


Car💗line

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