La saveur de nos rêves

Il y a environ 5 ou 6 ans, j'avais confectionné quelque chose qui voyageait aisément par les services postaux pour ma nièce Laurence à l'occasion de son anniversaire: un signet personnalisé pour elle qui développait un goût pour la lecture. Lors de sa visite à l'été dernier, elle l'avait toujours. Elle me le montra et je fus émue de retrouver ce mantra auquel j'adhère depuis toujours: "continue de croire en tes rêves".

Quelques semaines plus tard, j'étais invitée chez des amis qui me présentèrent Dierdre Wolownick, la mère d'Alex Honnold, ce célèbre grimpeur. Les enfants suivent parfois les traces de leurs parents. Dans leur cas, ce fut la mère, Dierdre, qui se sentit inspirée par les escalades d'Alex et grâce à sa persévérance, elle parvint à devenir la femme la plus âgée à grimper El Capitan à Yosemite, un paradis de monts de granit. Lors du souper, elle nous offrit une présentation sur son parcours de vie. "J'ai toujours eu beaucoup de rêves." Je fus saisie. C'était comme si je retrouvais l'usage de la parole dans une langue familière mais enfouie pour trop longtemps, comme si je me réveillais d'un coma spirituel. Moi aussi, j'ai toujours nourri plein de rêves. Depuis ma tendre enfance, je rêvais de créer, d'apprendre, de devenir mère, de trouver l'âme soeur. Ces désirs prirent la forme d'élans de découverte par la lecture, les voyages, les rencontres. Mais certains traumatismes, dont ceux liés à ma séparation, m'avaient coupée de ma trajectoire pavée de ces rêves au cours des dernières années et me plongeant dans une forme de stupeur récurrente alternant avec une panique paralysante... Je m'en voulus alors de cet acte ressemblant à de l'auto-trahison. Comment avais-je pu me déserter ainsi, et pour si longtemps ?

Nous avons échangé quelques paroles, certains aspects de son histoire résonnaient avec la mienne (son parcours d'auteure, sa passion pour les langues étrangères) et je voyais même mon fils aîné en son fils Alex, avec le même désir de "gravir" des monts. Et comme elle, j'ai toujours été inspirée à me dépasser, et cette tendance s'accentua en devenant la mère de mes trois fils: leur facilité à courir, nager, cuisiner, dessiner me motivaient à sortir de ma zone de confort, à élargir mes habiletés. Et plus que tout, c'est leur sensibilité au monde faite de compassion qui me guida vers un chemin de plus grande connaissance de soi, de bonté et de générosité.

"Accroche-toi à tes rêves". La synchronicité de ces rappels (via le thème de ce moment et la visite récente de ma nièce) me bouleversa magnifiquement. J'avais besoin de les entendre, ces mots offerts par Dierdre. J'avais besoin de cet écho du murmure de mon coeur me donnant la permission de me donner la permission !

Depuis ce temps, un changement s'est opéré en moi. J'ai renoué peu à peu avec cet intérêt à décorer l'intérieur de ma maison, à faire de l'art, à essayer de nouvelles choses. J'ai lu le livre inspirant et touchant que Dierdre a écrit sur sa vie et dont la version française est "Toujours y Croire." Elle qui ne croyait jamais qu'elle pût faire de la course, ayant grandi entourée de fumée secondaire, comme moi, elle commença à faire du jogging autour de la cinquantaine. Un matin, elle rentra d'une marche avec son chien, triomphante, annonçant à son fils qu'elle venait de courir un mile, ce à quoi il répondit que c'était bien, et que si elle pouvait en courir un, elle serait capable de deux. Elle releva le défi. Il lui fit un commentaire similaire. Et ainsi de suite.

Cette lecture m'a amenée à faire un bilan de mes rêves, à revisiter mon enfance. Car nos rêves sont les plus authentiques dans l'enfance, avant que le conditionnement de la société, avec ses scripts, ses attentes, en changent la trajectoire. Je me souviens que j'ai toujours voulu être mère et guider des êtres depuis leur plus jeune âge. J'ai voulu devenir écrivaine autour de 8 ans. Ma nature romantique m'a toujours fait rêver de trouver l'âme soeur. Mon esprit curieux et mon besoin de comprendre la condition humaine m'ont fait rêver d'aller à l'université, de faire des voyages, de parler plusieurs langues pour connecter avec le plus de gens possible, de donner des conférences, d'avoir une maison qui ait une âme (et une piscine!).

Plusieurs de mes rêves se sont réalisés: je suis maman et l'amour pour mes trois fils dépasse tout ce que j'aurais pu imaginer. J'ai compris aussi que l'amour issu de l'amitié est précieux. J'ai fait médecine, je suis devenue psychiatre, j'enseigne, je donne des conférences, je voyage et j'écris. J'ai appris à mes fils à faire du ski, à coudre, et je les ai toujours encourager à se dépasser quand je les sentais prêts (comme quand j'ai déposé Youri à l'aéroport de San Francisco à l'âge de 12 ans pour qu'il voyage solo pour la première fois pour aller visiter sa famille élargie canadienne. Il a tellement aimé l'expérience que n'eût été de la pandémie, il l'aurait refait l'année suivante). J'ai voyagé un peu partout avec mes fils, dont en Italie. J'ai vécu des moments privilégiés à Minorque et en Belgique avec Youri, en Floride avec Andreas, et au Québec avec Kristof. J'ai co-dirigé Les Monologues du Vagin et joué dans cette pièce dans le cadre d'une levée de fonds. Moi qui n'ai jamais été très sportive, j'ai couru deux 5k (dont un enceinte de mon Andreas) et je me prépare pour une troisième course en novembre. Je parle couramment deux langues et je me débrouille en espagnol. J'ai une chaumière qui reflète qui je suis, des relations avec des gens qui m'affirment et me supportent: un compagnon, ma famille au Canada et des amitiés formidables.

J'ai (et j'ai toujours) des rêves farfelus, risqués, grandioses, bien sûr (comme de devenir astronaute ou avoir une maison en Provence). D'autres sont plus à ma portée. La Maison des Enchantements m'invite à en réaliser certains. Comme faire de l'art ou m'investir dans de petits projets créatifs qui me replongent dans l'introversion de mes soirs d'enfance. 





J'ai toujours aimé les surfaces avec ardoise, sans doute parce qu'elles me rappellent mes années d'école primaire, et aussi parce que quand j'avais une journée "pédagogique", au lieu de passer ma journée  de congé à la maison, j'étais aux anges quand je pouvais la passer dans la salle de classe de ma mère afin de l'aider lorsque le calendrier de son école était différent du mien. J'adorais être son assistante et cela explique sans doute mon penchant pour l'enseignement et l'éducation des futures générations. Bref, j'avais trouvé une petite bouteille de peinture noire au magasin à 1,25$ tout près car je voulais noircir ce "raccoin" (expression québécoise introuvable dans le dictionnaire et qui signifie un endroit dans l'espace ou "coin" oublié, secret, négligé, plutôt réfractaire, entêté ou accumulateur de poussière ou autre). Mon projet initial se modifia pour rappeler un peu un restaurant près de chez moi (Selland's) et que j'aime beaucoup avec tout le menu inscrit sur plein d'ardoises. N'ayant pas assez de cadres blancs "vintage" à ma disposition, j'ai opté pour le fond noir seulement, ce qui me donna la flexibilité de créer des formes plus diverses, comme un coeur ou un losange.

C'est tout simple, peu coûteux, sans impact majeur immédiat mais cela me met en joie et donc ne peut qu'aider à accroître la fréquence vibrationnelle de notre écosystème.

Même si "You're making my dreams come true" jouait pendant que je discutais d'un de mes sujets de prédilection (soit les rêves) avec mon copain ce matin, il reste que personne d'autre que nous ne peut vivre nos rêves à notre place. Nous laisser guider par eux est un engagement envers soi et les étapes qui y mènent (prendre des cours, faire un entraînement physique etc) font souvent partie d'une hygiène de vie nécessaire à la recharge de nos batteries. 

Un rêve est une empreinte de l'âme. C'est le messager de cette force collective qui veut que chacun incarne sa mission la plus élevée. C'est un phare qui nous aide à nous motiver, nous développer, pour évoluer. C'est une convocation des talents et dons de l'âme pour aider à améliorer la conscience du monde. Et même si tous les rêves ne se réaliseront pas nécessairement, ceux qui restent à l'état de désirs ou fantasmes auront servi à nous aider à vivre, à nous tenir compagnie, à se raconter des histoires magiques pour mieux s'endormir les soirs de solitude.

Je vous invite à faire le silence autour de vous et à l'intérieur, dans la solitude, dans un calme immobile. Écoutez les murmures du coeur, de votre véritable nature profonde. Inspectez tous les "raccoins" de votre âme car vos rêves oubliés s'y cachent peut-être...

Quels sont les rêves que vous avez délaissés à certaines stations de votre parcours ? Qu'est-ce qui s'était alors mis en travers de l'horizon ? Identifiez tous les obstacles et enlevez-les, à commencer par les discours négatifs, et remplacez "je n'y arriverai pas" par "oui, je le peux, j'ai foi en moi". Il ne vous restera qu'à avancer, pas à pas, vers ce miroir de votre âme qui prendra expression dans le monde. Ce sera votre plus bel héritage.

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