Chagrins inachevés





Toute la semaine, j'ai agonisé, enfermée dans un manque d'inspiration déconcertant en préparant une exposition d'arts au country club de mon chum. Je doutais de plus en plus de mes capacités à présenter des trucs qui intéresseraient les gens (allô, syndrome de l'imposteur !). Plusieurs émotions passèrent en moi, et certaines portaient le nom de nostalgie, surtout en découvrant des retailles de tissu que mon fils Youri et moi avions commencé à coudre ensemble à la main pour en faire une courte-pointe. Je pouvais passer de longues minutes à errer d'une pièce à l'autre dans cet univers de l'inachevé (j'avais étalé mon matériel dans au moins 4 pièces), cherchant à transformer cet attachement à un passé qui n'est plus, à transformer les douleurs, finissant par m'affaler parmi des retailles et des épingles, sur un divan qui avait l'air au beau milieu d'une session d'acupuncture. J'ai réalisé qu'une certaine dose de souffrance peut aider le processus de créativité, mais au-delà d'un certain niveau, c'est trop envahissant et cela paralyse. Je crois que j'avais atteint cet envahissement. En plus je laissais des attentes extérieures dicter mon rythme et le type d'oeuvres. J'ai réalisé à nouveau (et un peut tard) que tout doit partir de l'intérieur, que j'aurais dû m'inscrire à un tel événement sur la base d'un inventaire déjà significatif et non le créer pour rencontrer certains critères. La créativité est un phénomène délicat que j'avais encore mécompris... Je nous bousculais, elle et moi. Mais c'est elle qui passe par nous, en ses termes...

J'ai donc porté plus attention à ce qu'elle me disait. Comme elle est intimement liée à mes émotions, je suis allée vers une nostalgie douce, pas trop triste, qui me remplissait de gratitude. J'ai retrouvé le petit patron de papier de Miffy et découpé par Kristof quand il avait cousu ce lapin rembourré sous ma guidance (voir dernière photo). J'étais tellement fière de lui ! J'ai décidé de le faire revivre, cette fois en appliqué sur des t-shirts d'enfants. J'ai changé plein de fois d'idée pour les appliqués, mais c'est le lapin qui semblait aligné à ce que j'avais besoin de faire passer pour l'instant. 

Et changer de décor pour la couture fit des merveilles. Le concept d'adaptation hédonique s'appliqua dans ce cas-ci. J'emportai deux t-shirts que j'eus le temps de compléter dans le bureau non encombré de ma nouvelle clinique durant ma journée vraiment ouverte (du fait que c'est un nouveau poste et les consultations ne déboulent pas encore). Arrivant chez moi avec deux t-shirts Miffy me donnèrent un boost et j'entrepris un t-shirt avec champignons avant de me coucher. Une situation éprouvante pour des personnes chères me fit reporter le reste de ma tâche au lendemain. Mon objectif était 5 t-shirts, j'en avais 2 et demi...




Le lendemain, je fus levée tôt mais je ne pus pas amorcer un cinquième t-shirt. C'était stressant comme le matin d'un mariage ! Trop de détails à régler, repas et thé avalés à la hâte... Et en fait, j'emportai le quatrième à l'exposition, cousant coeur, nez et yeux du lapin, question d'ajouter un peu d'expérientiel, afin que les gens voient le processus créateur.

Et j'avais une petite description sur la table:

À propos de moi

Pour aussi longtemps que je me souvienne, je fais du bricolafe en utilisant du matériel que la plupart des gens tendent à jeter (timbres, journaux anciens, retailles de tissus, bouchons de liège etc.). Je trouve que l'art avec medium mixte est une forme très satisfaisante d'auto-expression dans laquelle je transforme des émotions et explore le symbolisme. Les arts visuels me paraissent plus tangibles que l'écriture, forme que j'apprécie aussi énormément. Je m'efforce de faire des choix éco-durables dans ma vie quotidienne, y compris dans mes projets créatifs. Et chaque détail de mon travaul peut avoir une signification particulière et représenter un indice sur mon histoire. Ma dimension artistique me connecte à mes fils, une source constante d'inspiration pour mon travail, et au reste de l'humanité.

J'ai voulu faire de l'art que j'aime, en espérant que l'authenticité fasse en sorte que d'autres puissent apprécier, et je devais refuser de me conformer aux attentes diverses du public. J'ai compris, assise à ma table entourée de mes boucles d'oreille, de mes t-shirts et quelques tableaux, que mon médium principal, c'est l'amour. Et que grâce à cet amour, fil par fil, point par point, on arrive peut-être à rapiécer les âmes en chagrin.









Comments

Popular Posts