Recette de bien-devenir
Pâtisserie sur Calle Ocho |
La semaine dernière a fessé pas mal, je dirais. Malgré ma tentative d'entretenir des pensées positives, j'ai commencé à me sentir plonger dans l'incrédulité, émotionnellement engourdie, quand j'ai vu la mare de sang se répandre de plus en plus sur la carte géographique à mesure que la soirée avançait en ce fatidique 5 novembre, alors que je me préparais à attraper mon vol. Le manque de sommeil inévitable dû au fait que j'étais dans la dernière rangée, siège allée donc à proximité des deux toilettes, combiné au stress des élections fit en sorte que c'est dans une espèce de torpeur que j'atterris en accueillant le verdict.
L'aéroport de Miami était étrangement calme. C'est comme si la vie continuait malgré le cauchemar. C'était incompréhensible. Je m'attendais à une forme de refus, de grabuge, de révolte au moins. Des protestations, des lamentations, des pleurs. Mais non. Rien. J'étais prise avec ma dévastation. Les messages de mes proches commencèrent à jaillir dans mon cellulaire. Tout à coup je me sentais bien loin, et seule. J'ai attendu une heure décente avant de texter mes garçons, leur avouant mon état de choc mais leur assurant ma disponibilité et mon écoute, s'ils avaient besoin (et je leur lançai, à peine à la blague, qu'ils feraient mieux de s'accrocher à leur citoyenneté canadienne, sait-on jamais, elle pourrait être salvatrice...).
Le sentiment de futilité qui m'habite depuis quelques années (et pour d'autres raisons) ne fit que s'accentuer ce matin-là. J'étais censée venir apprendre des trucs lors d'un congrès. Je me sentais pas du tout en mode opératoire pour absorber des informations.
Mais en étudiante conscientieuse que je suis toujours, je me pointai assidûment aux conférences. J'avais peine à ne pas me laisser distraire par les courriels, textos et publications sur médias sociaux. En plus, le 24e étage du studio que j'avais loué me donna un sentiment de malaise, j'avais besoin d'être les pieds sur terre et je me sentais supendue hors de la réalité. Cela accentua ma peur et mon sentiment de vulnérabilité.
Et toutes mes émotions mêlées semblaient faire obstacle à mon ''self-care'', érodant toute motivation de faire ce qui généralement m'aide à me sentir bien. À un moment donné, j'ai réalisé quelque chose de fondamental: ne rien faire d'autre que regarder, ressentir ses émotions sans les juger, leur faire une place EST du SELF-CARE en bonne et due forme. J'ai donc cessé tout acharnement à faire mes soins de bien-être d'une façon précise. Honorer mes émotions était en pleince qu'il fallait pour pouvoir trouver la motivation de faire le reste. Juste me trouver là, dans toute mon expérience, sans yoga, sans breuvage anti-oxydant. C'était l'ingrédient principal de la recette mieux-être à ce moment même.
Délicieuse crème glacée (recette cubaine) Little Havana, Miami |
Et tout se mit en place par la suite. Je perçus mon vécu avec un peu plus de clarté, et le fait de dormir assez bien (le studio était impeccable et le lit, confortable) me donna une fondation essentielle pour attaquer la deuxième journée. Je ne me levai pas assez tôt pour participer à la méditation guidée comme j'en avais eu l'intention mais j'écrivis dans mon journal après le déjeuner. Le soir, avant la réception et durant la dernière conférence, j'eus l'impression d'une crise de nerfs imminente sans trop savoir pourquoi. J'essayai de rester calme et je pus passer un moment décent durant le souper, faisant de nouvelles connexions.
Le lendemain matin, je décidai cette fois d'aller marcher après déjeuner et avoir écrit dans mon journal. Je sentis que je sortais progressivement de ma torpeur. Je conclus que j'avais négligé des éléments essentiels à mon bien-être (ou, comme j'aimerais l'appeler -parce que plus dynamique-, ''bien-devenir''). Moi qui marche chaque jour, je dus admettre que négliger cet aspect me met à risque de détresse ou plus grande difficulté à faire mon auto-régulation émotionnelle. Comme c'est un équilibre fragile, la santé mentale ! Je dois accomplir les mêmes activités chaque jour (comme marcher, manger sainement, écrire, me connecter à quelqu'un, lire, être à proximité d'arbres etc) mais si j'en omets un certain nombre je suis foutue. Alors décidément, je ne peux pas passer à côté d'un sommeil réparateur, d'un mouvement du corps par la marche, de connexion avec l'univers, et l'écriture. Accomplir un certain nombre de ces incontournables me permet de faire face plus facilement à la vie tout en m'aidant à la savourer avec joie et gratitude.
Combiner plusieurs ingrédients est optimal. Par exemple, ajouter pique-nique ou lecture (ou les deux) à une sortie à la plage la rend encore plus ressourçante. Cela optimise l'expérience. Récemment, j'ai décidé de me laisser tremper dans la baignoire et pour me laisser convaincre de me consacrer à un rituel qu'autrefois ma nature ambitieuse jugeait comme étant non-productive, je combine mon bain moussant avec une autre activité bien-être, soit la lecture, une méditation guidée, ou bien écouter de la musique. Je trouve que la synergie est délicieuse et significative, et le fait de combiner deux de mes activités préférées augmente la chance que je m'embarque dans cette stratégie (car les soins pour bien-être demandent un certain effort -sauf quand vient le temps de déguster une crème glacée quand il fait chaud- et il y a une certaine inertie à surmonter pour l'accomplir).
Ces étapes ne changeront rien à l'inévitable et la peur devant l'incertitude. Mais comme c'est l'une des rares choses que chacun a encore sous son contrôle, j'ose espérer que prendre soin de soi de façon quotidienne (à commencer par étreindre ses émotions avec compassion) peut nous rendre plus aptes à faire face aux difficultés de la vie avec grâce et efficacité. Cette gentillesse envers soi peut s'étendre à d'autres et les encourager à faire de même, élevant ainsi la vibration de notre monde.
(Voilà, j'aurais aimé écrire un peu plus, mais je n'en peux plus... Je dois aller me coucher, je ne suis pas encore réajustée à mon fuseau horaire... Je tenais quand même à publier quelque chose avant minuit, en ce portail du 11 novembre, 11-11 !!!)
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