La Valise Enchantée



Dans une rue animée de Séville, Espagne


Mon insomnie en plein heure mystique me trouva atypiquement calme, ce qui n'est pas peu dire pour moi qui, à l'instar de tant d'autres, tends à ressentir une petite agitation bourdonnante à l'idée de ne pas être capable de me reposer les yeux et les tourments... Elle n'avait rien de surprenant (décalage horaire post-vacance de l'autre côté de l'Atlantique), et j'accueillis cette occasion pour méditer avec sérénité. Deux méditations de Tara Brach ne suffirent pas, aussi je décidai de poursuivre ma lecture de voyage dans le refuge de la chaleur de mon lit au milieu de la fraîcheur automnale. Un roman assez dense et plein de magie, Train de Nuit pour Lisbonne, avait été recommandé par un ami pour agrémenter ma découverte du Portugal. Je me l'étais procuré deux jours avant le départ, question d'ajouter un peu plus d'enchantement à mes préparatifs. Ce ne fut pas vraiment une valise comme le titre de mon blogue l'indique et que j'affectionne (surtout quand je vois des enfants traînant la leur, tout comme mes fils l'ont fait aussi, que ce soit la valisette Nemo or Thomas le Train, le "ba-gage" crucial pour supporter l'autonomie émergente et enthousiaste de chacun de mes fils), mais un sac-à-dos de randonnée (que j'ai depuis plus de vingt ans) qui eut l'honneur de le transporter. Un autre ami m'avait indiqué que les rues de Lisbonne étaient en pierres de pavé, aussi j'optai pour la liberté de mes mains et la marche sans obstacles qu'une valise à roulettes aurait sans doute rendu pénible. 

Pour mieux absorber les vérités profondes du livre, je décidai de me lever pour commencer ma journée. Le ciel était encore très noir. Je me fis un café et défis mes bagages, me promenant de pièce en pièce dans l'obscurité. Ma tasse chaude et réconfortante en main, je pris place un moment sur la banquette et observai la rampe ordinaire qui ceint l'escalier menant à mon petit sous-sol et au garage. Peu après avoir enmménagé, je me suis dit que je m'offrirais peut-être un bout de rêve depuis longtemps sous forme de fer forgé pour la remplacer, une fois ma situation stabilisée. Mais le fait de m'asseoir ainsi, dans le jour levant, et l'angle d'observation m'aidèrent à développer d'autres possibilités: je pourrais plutôt apposer des tuiles comme celles qui sont un peu partout au Portugal et au Musée de la Tuile ? Un bazar, un antiquaire ont sûrement de tels fragments de trésors...




Quand je voyage, je retrouve généralement une inspiration créative que je croyais perdue. J'emporte avec moi non seulement des souvenirs, mais aussi des idées, des concepts, des projets que mon regard a captés dans une ruelle ou au fond d'une vitrine comme à Évora, par exemple. Et ce matin, une de ces idées prenait forme à mon retour à La Maison des Enchantements.



J'inclus toujours des éléments plus tangibles dans mon bagage à l'aller comme au retour. En plus d'une lecture thématique d'un auteur du lieu que je m'apprête à visiter, j'éprouve une énorme satisfaction à planifier ma garde-robe qui doit être légère, compacte mais aussi versatile et assurant une fonctionnalité pour tout un éventail de températures. Je me surpris un peu à emporter des items que je trouvais d'habitude quelconques mais qui, agencés dans une combinaison nouvelle, donnait un effet coloré inattendu. J'avais un foulard de trottineur en polar que mes garçons ont porté, et même un t-shirt que mon aîné allait donner. J'ai pris note de ces t-shirts durables et en même temps qui se lavent à la main en quelques minutes dans l'évier d'une salle de bains sans prendre plus que la nuit pour sécher. Bien sûr, il y a la trousse de produits de corps et j'ai en ce moment l'embarras du choix de mini bouteilles emportées lors de voyages précédents. Même mon savon, hérité d'une pérégrination dont le sort aurait été la poubelle après le passage des gens du ménage lors du check-out, est juste ce qu'il faut comme format. Et au lieu d'en ouvrir un autre à l'hôtel que je garde pour plus tard.


Tavira, Portugal


Une mini Barbie qui flânait dans ma cuisine fut aussi emportée (pour une séance de photos à Portimao et aussi en Espagne que mon chum trouva fort bizarre mais qui amusa énormément ma soeur). Il y a toujours de la place pour ces coups d'impulsion (ou d'intuition ?) qui ont le potentiel de créer les rires et l'étonnement.



Et après Le Barbier de Séville, voici La Barbie de Séville  😆:



Un de mes moments préférés dans le processus est le vol de nuit ou trans-océan et au cours duquel on sert ce mini cabaret de poupée et dont certains mini contenants sont de plastique si durable qu'il m'est impossible de leur résister (et je les inclus dans la valise magique pour usage ultérieur. C'est souvent le format parfait pour une collation de noix, d'olives ou même contenant à médicaments). Tout ce que je n'utilise pas et que je sais qui sera jeté par les agents de bord aboutit également dans mes sacs (craquelins, ustensiles car toujours pratiques en voyage quand j'attrape un yogourt avant un train ou que je veux faire un sandwich pour la route). C'est une pratique de la pleine conscience à laquelle j'adhère depuis l'enfance et qui réduit l'empreinte carbone (réduire, réutilise, recycle).

Je suis aussi une fan de la papeterie d'hôtel, et encore plus maintenant depuis que le retard du vol aura passé plus vite grâce au format idéal pour la tablette qui m'aura permis de dessiner le visage de mes enfants et ainsi, les sentir encore plus près. Je dessine depuis toujours, mais j'ai tendance à approcher le portrait avec pudeur. Il y a quelque chose d'insaisissable dans le visage humain, ou bien je suis bloquée par ma timidité devant la lumière de l'âme créant une détonation dans le regard ou mon admiration devant l'innoncence mystique de l'expression qui se laisse caresser par le mouvement du crayon. Mais j'ai persisté dans mon apprentissage et l'étude du visage de Kristof, d'Andreas et de Youri me procura une immense joie. J'eus grand plaisir à tracer chaque cil, chaque brin de sourcil qui du coup me donnèrent un brin de sourire. Sous le stylo cheap de l'hotel (mais à pointe idéale pour la délicatesse du tracé), mes enfants me regardaient et se laissaient aimer par mon coeur, mon âme, mes rêves et tout mon être. Ce fut un sentiment de liberté ennivrant que de sentir que l'art pouvait ainsi abolir toute distance. 

Dessiner, c'est photographier avec le coeur.

Dessiner, c'est aimer.


Sculptures et coucher de soleil à Albufeira, en Algarve


Voilà donc un échantillon de ce que la valise enchantée, prolongement inévitable de La Maison des Enchantements, peut contenir. Et un autre item significatif qui a fait tout ce trajet dans mon âme aussi est cette gratitude d'avoir pu vivre cette aventure, me sentant encore capable, flexible et auto-efficace pour me débrouiller dans d'autres repères et vivre une existence nomadique pour une semaine d'émerveillement et de recharge, n'appréhendant plus autant cet anniversaire charnière qui arrive à grands pas et signale que j'ai fort probablement déjà vécu plus que la moitié de ma vie. Mais quelle Valise Enchantée qui se remplit aisément, cette vie !



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