Hirsutisme pré-vacance


Lors de mon party Barbie pour mon récent anniversaire-charnière, j'ai eu grand plaisir à revisiter mes trésors de jeunesse (qui se trouvent encore chez ma mère). Avec mes nièces, je redécouvrais les joies de cette baignoire rose depuis près de 4 décennies !



S'il était une toute petite scène que je trouve qui manque au film Barbie pour le rendre encore plus irrésistible et parfait, ce serait la suivante: quand elle se réveille au lendemain de son éveil existentiel ou sa prise de conscience de l'autre côté de la médaille de la joie (tristesse) et de la vitalité (mort) et qu'elle est confrontée, à son plus grand désarroi, au manque de fraîcheur de son haleine, au lait caillé etc, j'y aurais ajouté la découverte de... poils axillaires indésirables.

J'en aurais long à dire sur les poils, et encore plus sur ma réaction aux réactions qu'ils suscitent un peu partout. Depuis que j'ai été conditionnée à m'astreindre à la fastidieuse tâche de l'épilation périodique à l'adolescence, j'ai une hantise non pas tant des poils eux-mêmes que de la désapprobation sociale, laquelle menant à toutes nos tentatives acharnées de nous en débarrasser.

Déjà au CEGEP, je dénonçais dans mon carnet cette grande injustice faite à la femme puisque les hommes ne semblaient pas subir une telle pression d'exhiber toujours des aisselles lisses et douces comme une paire de fesses (cela a un peu changé quand même, je fréquente un homme qui de temps à autre rase son torse). J'ai été traumatisée de commentaires (faits par des femmes en plus) au sujet de mes propres poils, comme une tante qui me dit, lorsque j'étais ado, qu'elle préférait que je ne me baigne pas dans sa piscine puisque je venais d'avouer que mes aisselles n'avaient pas été rasées, ou une autre personne qui s'exclama avec dégoût à la vue de mes sourcils qui se rejoignaient un peu au-dessus de mon nez... (si au moins j'avais eu un plein monosourcil, on m'aurait peut-être foutu la paix car j'aurais eu l'air d'une Frida Kahlo !), ou encore plein d'autres s'horrifiant devant d'autres femmes qui n'avaient pas honte de leurs aisselles touffues. Ce fut donc le festival de la torture pendant des décennies pour certaines régions de mon corps: cire chaude, rasoir avec mousse (puis sans mousse), Neet (oui, cette horreur de liquide rose qui a une odeur indescriptible, comme celle de vomi mélangée à de l'eau de rose et qui a eu pour effet d'agrandir l'aire inguinale avec poils foncés avec un niveau de combat accru et perdu d'avance), Silk-Epil, la pince à sourcils pour les poils incarnés ou la ''deuxième repousse'' et puis éventuellement abstinence périodique. J'ai une amie qui dit se raser chaque jour car elle déteste les poils. Je ne sais pas comment elle fait ni oû elle trouve le temps, la patience et l'énergie. Pour ma part, chaque année, je donne un break d'au moins 4 mois (durée de l'hiver) à mes jambes et au cours duquel je refuse de les épiler (je porte des collants ou pantalons opaques, personne ne devinerait cette marque de ma paresse ou de ma résistance à saveur féministe). Et c'est donc une pause sublime pour moi, ce qui me donne du temps pour me consacrer à autre chose que cette déplaisante forme d'éternel recommencement. À l'université, j'avais une amie et co-loc d'une beauté stupéfiante qui avait ce même refus secret. Elle n'en était pas moins jolie à mes yeux, même si je savais très bien ce qui se cachait derrière ses pantalons. J'ai donc graduellement commencé à m'en foutre. L'hiver, je ne me rasais que si nous allions en vacances dans le sud. J'avais aussi lu entre-temps Le Singe Nu, de Desmond Morris, et qui expliquait que les poils servaient de trappe-odeurs pour attirer un partenaire et donc, étaient importants pour la reproduction. Il y a environ 5-6 ans, il m'a été donné de superviser deux résidentes, toutes deux très jolies. Une avait des poils aux jambes et l'autre, des aisselles d'une pilosité dense et foncée.  Comme j'élargissais graduellement ma conception de la féminité pour englober tous les aspects du corps naturel de la femme, j'en suis venue à admirer une telle approche d'acceptation et de redéfinition de la beauté. Bref, quand je vois un corps totalement dépourvu de poils, y compris sourcils (je refuse d'épiler les miens, car pour moi, les sourcils, c'est une grosse partie de l'expression du visage), cela occasionne chez moi une sensation proche du malaise, je trouve qu'il manque quelque chose !



Chaque fois que je planifie une vacance, je regarde la météo de l'endroit afin de ''timer'' le moment de mon épilation pré-départ, généralement le plus près possible de la date du départ afin de ne pas avoir à traîner mon arrache-poil ou à répéter cette opération atroce une fois sur place (je refuse de me ré-épiler en vacances, car alors ce ne serait tout simplement plus des vacances !). Et plus la période d'abstinence d'épilation fut longue, plus le processus pour tondre sera extensif, à tel point qu'il me faut parfois faire une partie du corps par jour, sinon je me tanne et je me sens saturée... Bref, cela peut devenir une gestion épuisante ! 


Même si je connais des journées d'hiver qui permettent une saucette
dans ma piscine, je refuse de me ''faire les jambes'' juste pour cela, au risque d'offusquer...
(mais qui, au juste ? le voisin d'en arrière qui m'espionnerait depuis son balcon ?)


Voilà un résumé du fruit de mes réflexions pré-voyage en Floride cette année. Je pense que les poils, au moins de temps à autre, méritent sinon un répit de notre dégoût collectif et purement conditionné, notre respect, tout comme une longue chevelure suscite généralement l'émerveillement. Ces personnes rencontrées et qui osent se montrer entières, sans avoir honte de leurs poils, sont admirables, réelles et d'une belle audace. Je les considère comme des déesses-guerrières.

Il y a quelques années, j'ai enfin permis à la petite fille en moi d'être en paix avec les poils au-dessus de son lotus qui, à l'époque, l'avait submergée de honte (j'étais plus jeune que la moyenne qui vis cette phase de la puberté). Car en lisant sur les déesses de l'obscurité, j'ai ainsi pu regarder cette partie du corps tout autrement, et j'ai décidé d'y voir là, par exemple, la manifestation de Méduse et de m'inspirer de ses forces. Une des plus grandes menaces dans notre monde est de vivre sans jamais voir ni remettre en question nos conditionnements. Et s'épiler, à l'exception d'une étapre pré-chirurgicale, est purement un conditionnement qui n'a rien de logique ! Je refuse de vivre de façon aussi mécanique, sous la tyrannie du regard des autres. Je ne suis pas extrême et oui, n'ayez crainte, je m'épile plus d'une fois par an (surtout l'été), mais je le fais quand je décide, quand je veux, pour mon confort, et non pas pour plaire ou ne pas déplaire. Osez vous aussi. Je suis certaine que mon chum, qui ne se formalise pas de mes jambes velues, n'est pas le seul à croire que la beauté se situe bien au-delà de tels critères oppressifs. Et j'ai en tête un commentaire adorable d'un de mes fils (et qui m'aida à me débarrasser des résidus de ma honte d'enfance) qui me porte à croire qu'il y a quelque chose de divin, d'enchanteur à tous nos recoins couverts de fourrure...

Libérez-vous ! Et bon printemps à tous et toutes !


Port Ste. Lucie, mars 2024


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