L'importance de fouiller dans sa pré-histoire

Quand on parle d'hérédité, on pense souvent à ce que nos gènes contiennent et nous transmettent. Je ne peux m'empêcher de songer, et avec délice,  à la ressemblance de mes fils Youri et Kristof, lorsque tout petits, avec moi quand j'avais leur âge (couleur des cheveux, rondeur du visage, petit nez), et de mon fils Andreas avec leur père (mais aussi, avec le côté Grenier de ma famille). Je souris en pensant aussi à ma soeur qui commente toujours que ma nièce Laurence est ''pareille'' comme moi dans sa posture, quand elle porte une serviette de tête ou encore ses mains à ses hanches, et comme le fait maintenant Kristof tel que je l'ai vu récemment lors d'une pratique de soccer ! Et à plusieurs reprises encore cet après-midi !


Kristof adoptant l'irrésistible posture d'observation confiante de maman Caroline






Bien entendu, la puissance de la génétique dépasse les traits du visage, du tempérament, des comportements. Et à ce sujet, mon récent processus d'affirmation de soi par l'étalage de bleu dans ma cuisine m'aura beaucoup appris, et ce, bien au-delà de ma résolution de lire ou regarder des vidéos avant d'entreprendre un tel projet. J'ai d'abord appris à nouveau à délaisser l'idée d'un résultat parfait (franchement, pas trop difficile car il y a longtemps que j'ai renoncé à une telle tyrannie et que j'appris que c'est dans toute imperfection que se trouve la vraie beauté). Ensuite, et plus concrètement, j'ai réalisé, et donc appris (ou compris) qu'il aurait fallu sabler avant l'application dudit bleu. Et ce, non seulement pour une meilleure ''pénétrance'' de la nouvelle peinture, mais surtout parce que c'est logique de ''dégager'' ou se débarrasser du ''bagage'' qui appartenait aux anciens proprios, qui ne nous sert pas afin de pouvoir démarrer sur de bases nouvelles... à défaut de quoi, le chemin que l'on emprunte n'est pas aligné à notre nature et mission profondes... 


Du bleu fort joyeux !



Il aura donc fallu l'alignement (ou, plus exactement, le manque de) pour consolider ou illustrer une épiphanie qui se fit entendre encore plus fortement le lendemain de ce constat d'imperfection: si on ne fait pas de purification de ce qui a été dans notre passé (et cela inclut les dynamiques non résolues de nos ancêtres, parfois jusqu'à huit générations), on risque d'être encombré par leur fardeau et donc, en dissonance avec notre raison d'être. La couche grise non sablée a fait obstacle à plusieurs endroits dans ma cuisine, faisant en sorte que des portes auparavant alignées étaient maintenant non-fermables en raison d'un chevauchement. C'est donc croire que quatre couches de peinture supplémentaires (deux pour chaque porte) suffisent à changer l'épaisseur, et donc, à réduire encore plus l'espace déjà pas grand à la jonction de deux portes symétriques. La fermeture éclair de l'ADN ne se ferme plus... 

Comme je disais à ma mère, perplexe devant la situation, et qui sollicita, sans résultats, l'aide de mon chum pour réaligner le tout, ''il ne s'agit plus des mêmes portes.'' Un simple changement de couleur, mais qui voulait aussi dire l'addition de couches de peinture, d'humidité etc avait suffi à altérer le tout. À enfouir le passé sans vraiment le régler...

Il me faut donc accepter, accueillir et applaudir la leçon: ce qui n'est pas examiné risque d'être répété, et de façon amplifiée... L'espace entre les portes était limite au départ. Mais avoir ignorer ce fait m'a mise devant un chevauchement exacerbé. Il en va ainsi des schèmes transgénérationnels. Les tabous, les secrets, les regrets, les non-dits, les hontes, les brisures, les pierres jetées, les boucs émissaires, les martyrs, les conflits non réglés... tout ce bagage risque d'être remis en acte dans des générations subséquentes. Ma propre histoire et celle cachée dans ma généalogie (ma pré-histoire, qui inclut les faits et événements qui précédèrent ma naissance) en déborbe. Je n'entre pas dans les détails car cela fera l'objet d'autres articles, mais disons que mon besoin chronique de fouiller les lieux (les armoires, les fonds de tiroir... demander à ma mère ! Enfant, j'aurais clamé, ''bon, on fouille !''), et le passé des gens comme psychiatre s'étend tout naturellement à un besoin de regarder en moi et dans tout ce qui compose mon moi entier, c'est-à-dire des deux lignées qui ont mené jusqu'à moi, mes ancêtres des côtés Grenier et Giroux... Car si nous constatons une horizontalité de nos patterns que nous répétons au cours de notre vie (relations typiques, style d'attachement, préférences etc), il existe aussi un mouvement vertical (d'une génération à l'autre), ou même diagonal, ou encore spirale, allant même dans des directions inattendues dans un paysage familial.

Avez-vous un symptôme, un inconfort, un  cauchemar récurrent, une obsession, une dynamique difficile et vous vous demandez d'où cela provient ? Que savez-vous de votre famille ? Y a-t-il des ''trous'' dans le mythe familial, des sujets que vos proches avaient coutume d'éviter ? Faites votre génogramme. Mettez-vous sur la piste des ''disparus'', des ''déserteurs'',  des sorcières mystérieuses et des hors-la-loi bannis, mis au bûcher du conformisme ou fondamentalisme religieux. La clef se retrouve peut-être dans une histoire semblable qu'a vécu quelqu'un de votre famille avant vous, et donc, dans votre pré-histoire... Je crois vraiment que vous avez été désigné comme porteur et détenteur de ce défi de vie. Et lorsque vous en prenez conscience, vous obtenez, de par votre illumination, le pouvoir de libérer vos ancêtres et vous-même ou vos descendants en refusant votre rôle dans la dynamique d'une mise en acte inconsciente et par la réappropriation de votre trajectoire de vie. La prise de conscience, aussi un incroyable privilège, est l'ultime libération. Car c'est là l'héritage laissé aux générations futures, sous forme d'immunité par rapport à une souffrance ancestrale qu'ils n'auront peut-être pas à vivre car elle se sera arrêtée à vous. Sinon on risque de répéter ce que l'on ignore ou bien oublie...

C'est donc cette tâche introspective que je poursuis depuis un bon moment, en sourdine de mes travaux dans l'enchantement des couleurs que j'étends dans ma maison, en passant du gris à un bleu tenue de soccer de Kristof (et de Youri aussi il y a des années, et ceinture bleue d'Andreas en arts martiaux il y a quelques jours). Et il faut bien attacher sa tuque, car c'est souvent le travail de toute une vie. Je pose beaucoup de questions directes à plein de gens de ma famille. Je remonte plus loin que l'enfance de mes parents. Je m'intéresse à celle de mes grands-parents. Certains en sont mal à l'aise, se demandant à quoi bon déterrer le passé, surout s'il fut douloureux ? Pour moi, c'est pas une question de jugement ou de condamnation. Si une telle personne a mal agi, ou une autre que j'aimais s'avérait en fait plus complexe et causa du tort, j'observe puis je me demande si cela se joue aussi dans ma vie en ce moment, ou je me demande comment cela a pu m'affecter jusqu'alors. C'est une prise de responsabilité sur son chemin de vie comme toute autre prise de conscience. Je dédie ma vie à une telle exploration pour les trois êtres vivants que j'aime le plus au monde: mes fils bien-aimés, suivis de près par leurs cousin(e)s, Laurence, Mélodie, Monica et Nelson. Idéalement, les deux parents, s'ils veulent que leurs enfants bénéficient d'une fontaine de sagesse, doivent s'embarquer dans cette démarche, car il y a des résidus des deux côtés de la généalogie... Pour ma part, je veux leur laisser cet héritage afin qu'un jour, il comprenne ce qui leur arrive, ce qui m'arrive, ce qui nous arrive... Afin de rendre les patterns inconscients plus conscients.



Ma mère, Rita, qui détient un grand morceau de ma pré-histoire


Comments

Popular Posts