La salle aux sacoches





Il y a près de deux ans et demi, j'ai commencé ma romance avec la Maison des Enchantements. Certaines pièces ont subi des évolutions alors que leur fonction s'est adaptée aux contigences spatiales, caloriques ou lumineuses. J'ai comme senti une certaine amélioration au fil des semaines et des mois, qui m'emplit de satisfaction et de fierté lorsque des visiteurs commentaient avec enthousiasme tel ou tel petit détail ajouté ou qu'il n'avait pas remarqué la première fois.

Mais la plupart des pièces de ma maison, aussi agréable et accueillante qu'elle pût être, ont un petit coin de honte sous forme de désordre, accumulation, ou désorganisation. Il n'y a rien à faire, j'ai beau consulter des livres sur le minimalisme, faire avec (je me suis même mise à porter des vêtements puisés dans les tiroirs de mes garçons à peine usés, et maintenant trop étroits pour des ados !) puis arrêter d'acheter, il reste que les objets, les papiers, les objets divers et matériaux de bricolage semblent finir par tous conspirer pour me trouver, m'envahir et me harceler en silence, en refusant de bouger, de s'animer et de créer.

À part un coin de comptoir de ma cuisine qui est un vrai chantier (avec une station ''guillotine'' pour bouchons de liège dont je recouvre un pan de mur et un bout de clôture censé servir de structure pour une mosaïque de rampe), je dirais que la pièce qui mérite le prix de la honte est le foyer nord, où je passe le plus clair de mon temps lorsque je suis en télé-travail. Non seulement s'y accumulent des communications écrites, sollicitations, factures, notes prises à la hâte sur le dos d'une vieille enveloppe, mais c'est aussi une espèce de vestiaire ou casier pour mes trucs professionnels: agenda, papeterie, notes pour cours... et bien sûr, sacoches. La fameuse sacoche. C'est quand même ironique de réaliser qu'enfant, j'étais ahurie devant la collection de sacoches qu'avait ma mère. Je me demandais, bien candidement, mais qu'est-ce qui faisait qu'un adulte avant besoin d'autant de sacs à main ?


La rangée du bas est le voyage à Bagnères :)


Maintenant adulte qui a longtemps résisté à la sacoche (je me souviens très bien du portefeuille oublié sur la vanité d'une salle de toilettes au CÉGEP), je comprends tout à fait. Comme pour les souliers pour certains, pour moi, il n'y pas assez de sacoches. Taille, couleur, style, confort sont autant de paramètres à considérer à chaque jour ou chaque sortie pour moi. Et pour ce qui est du sac de travail, j'oscille encore entre le sac hybride (sacoche-sac d'école) et la grande sacoche fourre-tout (qui est assez grande pour inclure lunch, bouteille d'eau, crème solaire, calepin, 3 stylos, lunettes de soleil de rechange, mouchoirs...). Donc, vous pouvez imaginer comment au bout de quelques années, les sacoches, tout comme les livres, les souliers, les boucles d'oreille, finissent par se multiplier ! 

En passant, sacoche est un terme emprunté à l'italien saccoccia qui signifie ''petit sac''.

Dire que j'ai jugé ma mère pour ce que je croyais un dérèglement de la vie adulte, une aberration. Au moins, elle avait la décence de placer lesdites sacoches dans sa garde-robe. Quant à moi... oui, elles s'y trouvèrent un temps. Il y a une garde-robe assez large dans le foyer nord, mais fort peu fonctionnelle car elle ne comprend ni pôle ni tablette. Et moi, dans toute ma neuroimpulsivité spontanée, créatrice et parfois fantasque, et copiant mon frère après avoir vu la chambre de ma nièce, j'ai eu il y a quelques mois le projet audacieux de retirer les portes de cette pseudo-garde-robe pour la vider complètement et y ajouter un petit fauteuil une lampe afin d'élargir l'espace.

Résultat: les fameuses sacoches, évincées d'un placard soudain éventré, se retrouvèrent itinérantes sur mon plancher, éparpillées, attendant leur tour dans ce jeu journalier de ''sacoche musicale''. C'est quand même comique je trouve. C'est un peu ma loge d'artiste ou actrice pour ma persona de docteure et professeure... Un beau soir, voulant vraiment rendre cette pièce invitante et fonctionnelle pour toute la maisonnée, incluant mon étudiante Bibi, j'ai décidé de mettre un peu d'ordre dans tout cela (ok, même si ma définition d'ordre est un déplacement de désordre d'une pièce à l'autre, on peut quand même m'octroyer du mérite pour l'effort de beautifier mon milieu de vie). Tout est élastique, même l'espace. Il s'agit alors de comprimer quelques sections dans un autre placard afin d'y faire migrer mes sacoches. Du salon à la tablette de la garde-robe. Du coup, en faisant de l'espace, j'y découvris un sac sans doute même pas ouvert depuis 2022, contenant du linge Old Navy pour mes fils (avec encore l'étiquette avec prix dessus) et que je compte porter pour mes séances d'entraînement, trois barres tendres (sans doute expirées, je vais devoir, avec un profond soupir, jeter...) et un beau petit sachet de noix mélangées, expirant en 2022... oui, bien sûr, aussi à contre-coeur, jeter...

(Okay, va falloir que je consacre un autre blog à cette histoire d'une mère qui se résigne à mettre le linge destiné à mes fistons...).

Et dans l'intervalle, décidant de regrouper les quelques sacoches se trouvant dans ma chambre pour les mettre aussi avec ses amies sur la tablette, j'en découvris une achetée sur un coup de tête il y a près de trois ans et jamais encore portée: la sacoche téléphone à cadran, l'épitome de la nostalgie d'une Xer !

Je me suis donc mise au défi amusant de trouver une occasion imminente de l'honorer en l'exhibant. Et c'est ce soir que cela se passe. Un banquet.

En attendant de vous en reparler, que toutes vos hontes issues de sacrilèges faits au feng-shui se dissipent en se transformant en découvertes  défis illuminateurs sur votre maison, vos possessions et vous-mêmes !

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